Dimanche 5

Il n’est guère aisé d’œuvrer d’arrache-pied sous l’égide d’un coupeur de tête.

Il vous est sans doute arrivé de vous mettre martel en tête parce qu’un rustre a cru bon, pour faire rire la compagnie à vos dépens, de vous arracher un à un vos faux cils.

Non que vous y teniez vraiment, vous souffririez le martyre sans sourciller mais s’entendre souvent répéter la formule consacrée : je t’aime… pas du tout, cela devient vite traumatisant, y compris pour un littéraire.

M’étant trouvé dans ce cas de figure, et dans l’espoir de me venger, je m’étais décidé à œuvrer d’arrache-pied à la réussite d’une implantation : la réclame certifiait qu’elle décuplait la résistance des pilosités naturelles. Publicité perfide, qui omettait de préciser un détail de taille : l’opération s’effectuait sous l’égide d’un coupeur de têtes (et accessoirement de bourses).

Ainsi, à chaque fois que je fronçais les sourcils, en guise de mécontentement, il me faisait sauter la calotte osseuse comme s’il se fût agi de la queue d’un melon. Et de remplir de grosses pierres telle une vulgaire tirelire.

Je dus me rogner les talons afin d’échapper à ses coups de sabre. L’avenir dira si j’ai gagné au change.

Quand il n’est pas critique d’art, animateur de revues, critique littéraire, enseignant, entre autres, Bernard Teulon-Nouailles confectionne des textes incisifs, ciselés comme autant de poèmes, romans, chroniques ou essais… à la langue saisissante et précieuse.

Éphémérides est sorti à l’origine sous la forme d’un livre-objet aux éditions Luis Casinada de Guy Barral en 1994, puis, accompagné des poèmes Traits d’union 2, dans un ouvrage publié par les éditions CMS en 2018. Pour Magazine Aléatoire, extraits choisis…

En savoir plus : bernard-teulon-nouailles.fr

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Texte : Bernard Teulon-Nouailles — Image : Annie Spratt.
07/2023