Mardi 23

À l’arraché, d’aucuns reprocheront son manque de disposition, non son panache.

Je connais un athlète des mots, quelque peu rondouillard, dont les muscles fondent dès qu’on laisse traîner des barbarismes à proximité de son espace vital – dans quelle intention maligne, je vous le laisse à deviner. Il faut le voir suer sang et eau de toute sa hargne afin de traquer l’aphorisme, taquiner l’idiotisme et friser l’idiotie.

Et si quelque esprit moqueur lui lance : « Pas très original tout cela ! », il concèdera vite que l’expression de la souffrance force la sympathie. À tout prendre l’effort, l’effort violent, est garant de l’authenticité dont sont dépourvus le rhéteur ou le cuistre. Tel est mon avis, je n’en démordrai pas, comme aurait dit mon praticien.

Je l’ai vu s’atteler à des exercices d’une difficulté inouïe comme s’il avait sur les bras la bataille de Marengo ou telle autre morne plaine. Eh bien savez-vous que sa tentative, vouée à l’échec, ne manquait pas de panache ?

Mais l’exercice, inconsidérément réitéré, lui coûta force plumes, au grand dam de sa chère et tendre, et par conséquent du monde entier. Cependant il devait finir, à force d’opiniâtreté, par se refaire une santé – à l’arraché.

Quant au panache…

Quand il n’est pas critique d’art, animateur de revues, critique littéraire, enseignant, entre autres, Bernard Teulon-Nouailles confectionne des textes incisifs, ciselés comme autant de poèmes, romans, chroniques ou essais… à la langue saisissante et précieuse.

Éphémérides est sorti à l’origine sous la forme d’un livre-objet aux éditions Luis Casinada de Guy Barral en 1994, puis, accompagné des poèmes Traits d’union 2, dans un ouvrage publié par les éditions CMS en 2018. Pour Magazine Aléatoire, extraits choisis…

En savoir plus : bernard-teulon-nouailles.fr

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Texte : Bernard Teulon-Nouailles — Image : Annie Spratt.
02/2022