L’arithmétique des morts
Pendant ce temps-là, Mrs Almore filait bon train vers la Côte d’Azur : cure d’azote. Pas de passeport sans protoxyde…
Le docteur aimait bien cette Mildred voire Muriel qui jouait les filles de l’air, une très belle fille au visage fermé, un rideau tiré sur la tragédie, une petite âme de bois dure à percer, une jument qui s’était trompée de box et mangeait à plusieurs râteliers.
Pour ceux qui avaient des dents et de l’appétit, le temps se levait sur la pointe des pieds. Il accordait quelques heures de répit au criminel qui venait déposer sa grimace au pied d’une falaise : un cabriolet rouge, rutilant, un joli morceau de ferraille, d’où l’on retirait « ce qu’il reste d’un homme ».
Le long type aux yeux gris s’était renfrogné. Il tenait sa vérité pour cinq cents dollars. Il mouilla ses lèvres dans le whisky. Sa bouche aussi serrée qu’un piège à loup se détendit comme un ressort qui vous envoie en pleine gueule le nom de l’assassin !
Tout ça n’a pas d’sens. 3 ou 4 filles, 4 ou 5 types. Un beau clac, c’est tout : l’arithmétique des morts.
Figure (é)mouvante.
En 1999, il y eût cette pluie de mots éparpillés sur la page, tombés d’on ne sait où…
Et maintenant il y a en bon ordre sur cette plaque mon « ridiculum vitae » : B. G. né en 1948 – mort en… Une question reste une question, mais Dieu merci, le ridiculum n’a jamais tué personne.
Pour Aléatoire, « pour aller à toi Relecteur inconnu. Pour aller à Toire, ce pays où l’on arrive jamais ».
L’ouvrage de Bruno Guittard, Figures mouvantes, recueil de cent courts textes accompagnés de dessins originaux, est paru initialement aux éditions Le Capucin en 2000. Pour Magazine Aléatoire, extraits choisis.
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Textes et image : Bruno Guittard.
10/2022