La palombière
Vers la fin du mois de décembre 1984, j’ai commencé à vivre dans les bois « des journées entières dans les arbres ». Il m’a été difficile d’expliquer à quel titre on vit là-haut.
J’ai relaté toutes mes frayeurs au début de ce qu’ils appelèrent une « période suspensive », mon accoutumance progressive aux balancements de l’habitacle, enfin mon abandon à ces mouvements de va-et-vient qui me réconciliaient avec moi-même.
Je rentrai alors dans une période d’hibernation dont je n’ai aucun souvenir, mais peu à peu je revins à moi et l’idée tout à fait inadmissible d’une modification biologique me tourmenta longtemps, mais je dus me rendre à l’évidence : une grande paire d’ailes soyeuses se déployait maintenant dans mon dos, bruissant à l’unisson des premiers feuillages de printemps.
Cette vocation aérienne si nouvelle me remplit de doute et d’appréhension. Je pratiquai d’abord un saut limité d’une branche à l’autre mais le succès m’enhardit et je guettai une brise favorable pour accomplir le grand saut. Ceux qui m’ont ramassé au pied de l’arbre trouvèrent une vieille pancarte où figurait cet avertissement : « Palombière – Sifflez ».
Là-haut, il y avait, m’ont-ils dit, un de ces oiseaux, raidi et momifié, curieusement débarrassé de ses plumes.
Figure (é)mouvante.
En 1999, il y eût cette pluie de mots éparpillés sur la page, tombés d’on ne sait où…
Et maintenant il y a en bon ordre sur cette plaque mon « ridiculum vitae » : B. G. né en 1948 – mort en… Une question reste une question, mais Dieu merci, le ridiculum n’a jamais tué personne.
Pour Aléatoire, « pour aller à toi Relecteur inconnu. Pour aller à Toire, ce pays où l’on arrive jamais ».
L’ouvrage de Bruno Guittard, Figures mouvantes, recueil de cent courts textes accompagnés de dessins originaux, est paru initialement aux éditions Le Capucin en 2000. Pour Magazine Aléatoire, extraits choisis.
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Textes et image : Bruno Guittard.
11/2024
Et après…