L’entrevue aéroplane
Un stoïcien vient de passer
Nous avons surpris Samuel Lannier qui regardait à travers les nuages pour tenter d’y trouver le paradis ou peut-être, d’apercevoir le minuscule approchant de la perfection.
Samuel Lannier — J’ai levé les yeux comme à chaque fois que je suis exaspéré par mes congénères et que l’arrogance me guette. L’instinct grégaire de l’espèce humaine, comme ces sortes de singes agités toujours prêts à s’agiter avec d’autres singes agités, ne cesse de me surprendre. Alors je lève les yeux jusqu’au point de lumière qui me rappelle ces vers de William Blake : Voir le monde dans un grain de sable / Et le paradis dans une fleur sauvage / Tenir l’infini dans le creux de sa main / Et l’éternité dans une heure.
L’aérosol porte-il bien son nom ?
Je n’ai pas trop d’avis sur la question, c’est quand même assez personnel et il m’est difficile de me mettre à sa place.
Si toutefois l’aérosol n’est pas content de son nom… que lui est-il permis d’espérer ? Il peut toujours s’en prendre à ses parents, M. Tournesol et Mme Parasol et finir de leur briser le cœur comme tout enfant qui se respecte. Il peut sinon faire une psychanalyse pour les dix prochaines années afin de haïr ses parents en toute sérénité mais en silence. Il peut aussi demander à changer de nom. Ce droit est ouvert à toute personne majeure, en s’adressant à sa mairie, mais attention, il ne pourra exercer ce droit qu’une seule fois dans sa vie.
Lorsque quelque chose est si rétréci qu’il n’est plus qu’un point minuscule, qu’en penses-tu ?
Je pense que cette chose s’est peut-être approchée de la perfection, comme une sorte d’ascèse silencieuse. Attention quand même à ne pas disparaître totalement parce que la vie est précieuse et que l’ascétisme n’est ni un nihilisme, ni un suicide.
Une météorite fonce sur toi, tu connais les consignes ? Qu’en fais-tu ?
Je m’ouvre une bonne bouteille, je la bois et tant que je suis pas trop bourré, je pense à Marc Aurèle qui, un jour, a sauvé ma vie. Comme on a quand même pas l’occasion de rencontrer une météorite tous les jours, je ne suis pas suffisamment paranoïaque pour penser qu’elle va foncer exclusivement sur moi. Genre quoi, une boule de pétanque en fusion avec mon nom gravé dessus ?
Si le ciel est dégagé, de quoi as-tu peur ?
Si le ciel est dégagé, je mets de la crème solaire pour éviter un coup de soleil parce que ça, ça fait peur. Ensuite je mets mes lunettes de soleil parce que j’ai les yeux très sensibles. Alors, je regarde le vol des martinets et là, je n’ai plus peur de rien sinon de la béatitude.
Plutôt disciple ou indicible ?
(Un silence)
Nous n’avons plus le temps. Tu veux quelque chose ?
Rien. De temps à autre il est possible de n’avoir absolument rien : une possibilité de rien.
Samuel Lannier travaille en progressant hors des frontières. Les pensées de loin s’entendent avec lui. Lao-Tseu lui ayant murmuré Tu es le maître des paroles que tu n’as pas prononcées / tu es l’esclave de celles que tu laisses échapper il s’est tu. Depuis, il fait d’une incertitude une force et d’un silence la vie même.
En savoir plus : samuellannier.com
Entretien : Paolo Golfino — Image : Samuel Lannier, Somewhere missing nº 4.
09/2022
D’autres questions, autant de réponses.