L’entrevue limite

Le temps qu’il fera, c’est un dessin d’architecte

Elle en fait toute une histoire, à chaque fois. C’est comme ça qu’elle mélange. Les gens, les formes, les échappées, les riens qu’elle est la seule à voir.

Magazine Aléatoire — Avez-vous un exemple de la mélancolie des choses ?

Isabelle Péchoux — La mélancolie d’un lieu que l’on a aimé et qui ne nous appartient plus. Je ne pensais pas être si attachée aux choses. Mon métier est de remodeler des espaces intérieurs, de les magnifier, de leur redonner de la vie et de l’envie d’y vivre.
Je rends les clés des maisons une fois accomplie ma mission. J’habite dans mes rêves les lieux, le temps de leur rénovation ou du projet. Je prends possession momentanément des espaces, des choses, de la lumière. Je m’y attache mais ce n’est que passager. C’est bien une autre histoire lorsque un lieu est habité par toute une histoire familiale. Moi qui me croyais libre de pouvoir partir sans me retourner, je pense chaque semaine à ce lieu, cet espace que j’ai vendu à des inconnus.
Je n’arrive pas à me dire qu’ils vont eux aussi écrire une autre histoire et que les êtres sont bien plus importants que les choses, que cette maison.

La dernière fois que vous n’avez pas réfléchi, vous avez vu quelqu’un ?

Oui bien sûr ! La fée clochette avec des sneakers, un pif de Schtroumpf et des oreilles de lapin. Mais aussi ma psychologue et ça va beaucoup mieux.

Lorsque des perspectives s’échappent soudain, que faut-il faire ?

Les accueillir à bras ouverts ! La perspective nourrit au quotidien mon travail, la recherche d’un point de fuite imaginaire ou réel, lointain pour que le regard se perde. Il faut souvent casser pour mieux reconstruire. Dans mon travail la perspective est ce qui se cache au-delà, au-delà des murs, elle permet une lecture différente de l’espace. J’aime bien l’idée de les laisser s’échapper mais dans la vraie vie je les contrôle et j’essaye de magnifier ce qu’elles me font découvrir.

Les gens, les formes, les échappées, les riens… L’entrevue limite d’Isabelle Péchoux pour Magazine Aléatoire.

Poser : dans quel sens à votre avis ?

Poser, contempler, prendre le temps de regarder ce qui nous entoure avec un mélange d’acuité et de douceur, je m’y applique pour créer des ambiances qui ne sont pas forcément dans l’air du temps, pas forcément instagrammables, pas forcément « wouah ». Je recherche un ensemble profondément sincère et à vivre, pour très longtemps. Un cadre pour s’y poser, pour reprendre son souffle et continuer sa route.

Vous préférez plus tôt ou plus loin ?

Je préfère plus loin et en même temps le plus tôt sera le mieux. Cela dépend de l’altitude que l’on prend. Cela dépend de la latitude où l’on se trouve par rapport à sa longitude. Cela dépend du point que l’on fixe par rapport à celui que l’on peut atteindre. Cela dépend de l’endroit où on va se placer, de la lumière que l’on aura et du temps qu’il fera. En bref tout est une question de point de vue.

À la limite, que laisseriez-vous dépasser ?

Les petites aspérités d’un mur en béton, une couleur qui sort d’un rangement et forme un rond, un meuble qui va me servir de paravent, les fragments d’un objet cassé, parfois ce qui n’est pas droit et bave un peu au-delà de la limite. Les accidents sur une table en marbre qui devient unique parce la nature ne peut pas reproduire les mêmes signes. Et à la limite, j’imagine parfois des lignes qui dessineraient une maison pour flâner. Face à la mer.

Isabelle Péchoux. Vit les yeux dans les lieux. Vit les ombres des traces, sur les murs des envies. Vit les sphères des lumières qui s’échappent des fenêtres et reviennent. Deux iris profonds, un sous-bois, un lac en Italie, paupières qui s’écarquillent, une avenue haussmannienne. Isabelle Péchoux est architecte d’intérieur à Paris.

Entretien : Clarisse Lesot — Image : Ettore Sottsass, Metafore, 1975. Collection Frac Centre-Val de Loire.
03/2024

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