Les mots sortants
Lettre à l’agent
20 avril, 17 h 58
Les aléas du temps m’ont obligée à prendre des dispositions qui ressemblent à des souvenirs délavés pour moi mais qui constituent pour vous une infraction. Impressionnante. Drôle de dualité Monsieur l’agent. L’ensemble de la structure qui me sert de protection est aussi une réflexion. M’empêcherez-vous vraiment de poursuivre cette aventure pour de simples questions de circulation ? Quand j’entends le pavé qui croustille je me sens tellement seule. De là notre incompréhension mutuelle. Toutefois, je sollicite votre haute bienveillance pour que le rose du formulaire que j’ai reçu prenne la couleur du vide, du rien, du pardon. Comment pourrais-je honorer votre demande en restant comme je suis, libre et en couleurs, quand vous, Monsieur l’agent, me voyez grise et enfermée. Quelle patience vous faudra-t-il ? Je peux la trouver, vous l’offrir et nous pourrons nous entendre sur un compromis, de ceux que l’église a su faire tant de fois. Ma structure, c’est moi, c’est vous, ensemble. Vous êtes l’envers, Monsieur l’agent, je suis l’endroit.
Lettre à ton corps
20 avril, 18 h 14
Les aléas de ton pied dans ma main, de ta biscotte dans mon thé, souvenirs délavés. Pâles souvenirs. Impressionnante de tristesse ta langue dans ma bouche, ton corps dans ma couche, dualité des corps. Bagarre, circulation des flux interrompue. Croustillent les mots durs dans nos cerveaux. Le rose s’en est allé de nos rêves et les couleurs sales sont apparues. Grisaille. Je m’enveloppe d’un voile de patience mais… de patience je n’en ai point ! À l’endroit je me remets et je me casse.
Lettre à Hortense
20 avril, 18 h 22
Les aléas de ma rencontre avec toi Hortense m’ont fait prendre conscience que j’était du côté des souvenirs délavés de mes rêves, mon amour. Impressionnantes mes descentes en enfer avec toi ma chère Hortense. Dualité de tes désirs et aussi circulation de miens lorsque je te tenais dans mes bras chère Hortense. Croustille mon cœur avec ta langue d’une langueur monotone. Ta bouche, tes lèvres roses contre les miennes du côté de tes hanches et de tes pieds dont la couleur, Hortense, me fait sauter de joie à chaque patience du côté de l’attente qui vient à mon endroit.
Lettre au contrôleur
20 avril, 18 h 47
Les aléas de la vie m’incitent à solliciter votre attention concernant ma situation. Je vais essayer de vous en exposer les grandes lignes en espérant que mes souvenirs délavés sauront transcrire l’aventure impressionnante qui m’a entraînée dans une certaine dualité. Lundi 12 avril, le matin, la circulation étant pourtant fluide, pas de celles qui croustillent les jours de verglas, j’ai perdu le contrôle de ma petite voiture rose. Les couleurs des indications routières me semblaient mélangées, j’ai perdu patience, confondant l’envers et l’endroit.
Lettre à Virginie
20 avril, 19 h 04
Les aléas d’une rencontre renversante, dans une dualité inversée, engagent les regards malicieux dans une circulation langagière. Un mot croustille. Les pommettes roses rougissent. Les couleurs agitent la conversation. Patience. Leurs pas les conduisent au Capitole enlacés, pas pressés, les sens dessus-dessous, les têtes à l’envers, les cœurs à l’endroit.
Lettre à Oscar
20 avril, 19 h 25
Les aléas de ce qui s’en va quand il ne faut pas. Juste comme ça, et crac, rupture de l’os… deux bouts. Souvenirs délavés que l’intégrité des corps. Impressionnante la dégringolade. Cette dualité passé-présent, cette circulation frénétique des évènements. Chaque bout qui croustille de son côté, au fil des mouvements, c’est charmant à la fois, et rythmé peut-être, comme une rose qui dégringole de sa maison toute de couleurs. Patience, ça repoussera un jour non ? Fini la rupture, bonjour le renouveau ! Tout se remettra à l’endroit.
Sous mes doigts
30 avril, 18 h 33
J’entrai. La chapelle était plongée dans l’obscurité. À droite, par un trou de mémoire, j’aperçus un vague rayon de lumière et m’approchai. La métamorphose a commencé quand je me suis glissé à l’intérieur. L’espace ne cessait de se réduire au rythme de mes respirations. Mes pas résonnèrent j’avais touché le sol. Et tout semblait lugubre. Pourquoi avoir posé les mains sur cette paroi visqueuse qui s’échappe sous mes doigts ? L’équilibre me manque. Les coups de cœur dans ma poitrine indiquent qu’il est midi. La chapelle s’éclaire brusquement. Je dois remettre mon masque d’invisibilité et rejoindre rapidement les cimes. Je réalise enfin ma témérité à toucher de si près le monde des humains. L’architecture de l’édifice facilite grandement le début de ma fuite par les airs. Par chance, quelques contours ressemblant à des fleurs guident ma trajectoire. L’amour de l’endroit aurait pu me faire fondre, j’aurais pu disparaître complètement à l’envers de l’endroit mais la lumière, enfin, disparait à nouveau.
Je sortis.
Un masque pour les fleurs
2 mai, 17 h 45
J’entrai bille en tête dans un trou de mémoire.
L’amour des respirations brûlé aussi sec par cet espace de métamorphose.
Comme un masque sur les fleurs, les cimes, l’architecture de ma pensée.
Un mauvais coup de cœur.
Ne me demande pas pourquoi j’en sortis.
Image : catalogue Fonderie Deberny et Peignot, collection Magazine Aléatoire.